L’église Saint-Quentin a été profondément remaniée au XIXe siècle par l’Abbé Lecoutre qui y a consacré toute sa vie, mais qui était-il ?
L'ABBÉ LECOUTRE EN BREF (aller à la biographie détaillée)
Dans la lignée d’autres prêtres bâtisseurs notamment du 19e siècle, l’Abbé Lecoutre se distingue par l’énergie surhumaine et l’extraordinaire palette de talents d’artisan et d’artiste qui ont conduit cet autodidacte poussé par une foi hors du commun à reconstruire, embellir et décorer entièrement l’église dont il avait la charge, pendant plus de 40 ans, créant un véritable chef d’œuvre d’art populaire considéré comme précurseur de l’art naïf.
Il a laissé très peu d’écrits et à part quelques rares témoignages qui nous sont parvenus, c’est son œuvre monumentale qui nous dévoile le mieux son étonnante personnalité.
Paul Amédée Lecoutre est né le 29 juin 1830 à Wierre-Effroy, petit village situé à 10 km de Wirwignes. Issu d’une famille de cultivateurs il est le 7éme d’une famille de 8 enfants.
Il fut amené au sacerdoce par l’abbé Blaquart, curé de Wierre-Effroy, érudit, amateur d’art qui avait acquis de nombreuses œuvres pour décorer son église.
Ordonné prêtre en 1855 à Arras, il avait auparavant reçu pendant 14 ans une solide formation à l’Institution Haffreingue de Boulogne puis au Grand Séminaire d’Arras.
Il est ensuite nommé vicaire à Notre Dame de Calais puis desservant à Agny avant d’être nommé à Wirwignes le 25 décembre 1863, malgré les protestations de ses anciens paroissiens d’Agny. Les paroissiens de Wirwignes regrettant leur ancien curé, l’abbé Cousin, ne lui firent pas le meilleur accueil.
En février 1867, il demande et obtient de l’Évêque l’autorisation de quitter sa paroisse pour effectuer un pèlerinage sur les Lieux saints. Ce voyage de 3 mois du 21 mars au 23 juin 1867 le conduira en Égypte, Palestine et Italie où il aura l’occasion de se recueillir dans nombre de lieux de culte catholique orientaux.
A son retour et vraisemblablement inspiré par ses visites, il forme son projet de restauration profonde de l'église et commence en 1869 sa véritable reconstruction.
Aidé seulement à l’occasion de quelques paroissiens et journaliers pour la main d’œuvre, et avec les conseils de l’ingénieur Émile Gérard et du peintre-verrier Charles Levêque, il va y consacrer une énergie créatrice considérable jusqu’à sa mort en 1906.
Sans formation et poussé par le désir ardent de construire la plus belle maison à la gloire de Dieu, il va s’établir tout à la fois, architecte, maçon, charpentier, tailleur de pierre, peintre, mosaïste, sculpteur et ébéniste ...
L’intégralité des travaux sera financé par les quêtes, les dons privés et les financements publics qu’il va solliciter.
Pendant 40 ans l’église fut un vaste chantier et des témoins de l’époque ont reporté que les paroissiens n’étaient pas toujours satisfaits d’assister à la messe au milieu des bacs de mortier et des tas de briques mais qu’ils respectaient la ferveur que l’abbé mettait au service de leur église.
L’expression « se tuer à la tâche » va s’appliquer à l’abbé Lecoutre qui décèdera le 2 novembre 1906 en tombant de son échafaudage alors qu’il peignait une maxime sur l’arc triomphal. Sa mort marque la fin des travaux de l’église.
Ses funérailles furent célébrées par l’ensemble de la paroisse ainsi que par tous les curés et maires des environs.
Il repose à l’ombre de sa chère église et laisse à la postérité une œuvre unique et un témoignage d’un talent et d’une dévotion rares.
BIOGRAPHIE DÉTAILLÉE DE L'ABBÉ LECOUTRE
Préambule
Aucun ouvrage n’a jamais été publié sur l’abbé Lecoutre. On trouve des archives d’articles de presse consacrés à l’église et à l'abbé Lecoutre, et tous ceux que nous avons consultés comportent des informations fantaisistes.
Cet historique est le fruit de recherches menées au titre de l’association sur des documents authentiques et comprend des informations inédites à notre connaissance.
Si vous possédez des informations sourcées, orales ou écrites, merci de nous les communiquer et nous les inclurons dans cet historique.
La recherche continue et cette biographie sera sûrement amenée à s’étoffer.
Il y a peu d'écrits pour fonder et documenter cet essai de biographie.
Commençons par les actes d’état-civil et les recensements de population.
L’Abbé Paul Amédée Lecoutre naît le 29 juin 1830, chez ses parents, à deux heures du matin. Il est le 7ème d'une famille de 8 enfants
Il est inscrit à l’état-civil comme Paul Amédé, le 30 juin, par son père, Jean Claude Lecoutre, cultivateur, qui déclare sa naissance à la mairie de Wierre-Effroy où il demeure avec sa femme, Louise Marie Sophie Hécart. La déclaration a deux témoins : Augustin Vasseur, 32 ans, propriétaire cultivateur qui habite Belle et Joseph Serret, 30 ans, instituteur domicilié à Wierre-Effroy. Son père et ses témoins signent l’acte[1].
[1] Archives Départementales du Pas-de-Calais
ACTE DE NAISSANCE DE L’ABBÉ LECOUTRE
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En 1846[1], il demeure avec ses parents à la ferme de La Cloie à Wierre-Effroy. En effet, e recensement enregistre huit personnes dans le foyer :
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Jean Claude, cultivateur, 55 ans,
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Louise Sophie, sa femme, 50 ans,
-
Jean Claude Hubert, leur fils aîné, 26 ans,
-
Marie Geneviève Marceline, 24 ans,
-
Hubert Joseph, 22 ans,
-
Marie Hermine Aurélie, 19 ans,
-
Paul Amédé, 16 ans,
-
Adèle Marie, 6 ans,
-
Louis Léon Justin, 11 ans.
[1] Ibidem
RECENSEMENT 1846
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RECENSEMENT 1820
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En 1846, l’aînée des filles, Geneviève Marie Sophie ou Marie Sophie Adèle Lecoutre pour l’état-civil, ( 8 X 1818 Wierre-Effroy – 17 II 1910 Colembert ) vient de se marier, le 22 janvier 1845, à Wierre-Effroy, avec Jean Louis Chrysostome Gomel ( 15 X 1816- 7 VII 1874 Wierre-Effroy ). Ils auront neuf enfants :
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Jean Louis Constant
-
Jules Auguste
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Alphonse Marie Joseph
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François Jules
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Marie Sophie
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Eugène Aimé Louis
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Marie Louise Lisa
-
Pierre Louis Isidor
-
Constant AImé
Le couple a perdu en 1826 une petite fille de huit mois, Marie Françoise Claire ( 18 XII 1825 – 18 VIII 1826 Wierre-Effroy[1] ) qu’on ne trouve donc sur aucun des deux recensements.
[1] Ibidem
Le recensement de 1851 nous montre la famille de Jean Louis Gomel et Sophie Lecoutre installée à la ferme de la Côte Brune avec quatre enfants ( Jean Louis, Jules Auguste, Alphonse et François Jules ) et cinq domestiques « attaché (s) à l’exploitation ».
Les Lecoutre sont toujours à la ferme de La Cloie. Jean Claude, 60 ans, est « fermier » comme sa femme et quatre de ses enfants ( Jean Claude Hubert, Geneviève, Hubert Joseph et Marie Aurélie ). Adèle et Louis Léon Justin ont 11 et 16 ans et vivent « du travail de (leurs) parents ».
Un « domestique attaché à l’exploitation » est inscrit : Eugène Haffreingue, 35 ans, un berger, Eugène Darlot, 36 ans et une domestique, Zoée Terry, 28 ans. Il semble que l’exploitation a grossi.
RECENSEMENT 1851
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En 1872[1], on trouve plusieurs ménages recensés :
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Jean Louis Gomel et Sophie Lecoutre ( maison n°13 ) sont toujours installés à Wierre-Effroy avec sept enfants :
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Auguste, 25 ans,
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Alphonse, 23 ans,
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Jules, 21 ans,
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Sophie, 20 ans,
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Marie, 16 ans,
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Louis, 14 ans,
-
Constant, 11 ans,
et deux domestiques : François Grégoire et Jules Vieillard, 66 et 28 ans. Jean Louis Constant s’est marié le 10 IV 1872 à Baincthun avec Charlotte Florentine Sidonie Cadet et a sans doute quitté la maison de ses parents. Eugène Aimé Louis est décédé à quinze mois le 13 VI 1855 ( l’acte est du 14 ).
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Jean Claude Lecoutre ( maison n° 5 ) a 81 ans, il est cultivateur, chef de ménage. Sa femme n’apparaît pas, deux enfants sont enregistrés : Jean Claude, 50 ans, Aurélie, 45 ans, et cinq domestiques : François Inquez, Baptiste et Marie Baut, Charles Mégrai, Euzèbe Telliez
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Un autre ménage ( maison n°11 ) s’organise autour de Louis Lecoutre, marié à Rosalie Joly, et de leurs deux enfants : Louis, 2 ans et Eugénie, 1 an. Ils ont deux domestiques : Antoine Humbert et Eugénie Duvuvier, 28 et 17 ans.
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Hubert Lecoutre ( maison n°6 ) est marié à Virginie Teilliez et ils ont neuf enfants :
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Virginie, 15 ans,
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Hubert, 13 ans,
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Constant, 11 ans,
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Paul, 10 ans,
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Louis, 8 ans,
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Henri, 7 ans,
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Alphonse, 5 ans,
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Louise, 3 ans,
-
Auguste, 2 ans
et pas de domestique.
[1] Ibidem
RECENSEMENT 1872
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Aujourd’hui, leur arrière-petite-fille, Marie Louise, petite-fille d’Hubert et fille de Constant, exploite la ferme de La Cloie avec son mari, Marc Andrieux.
Paul Amédée Lecoutre est absent du recensement en 1851. Il a sans doute commencé le cursus scolaire qui l’amène à la prêtrise. Au mariage de son frère Hubert, le 11 février 1857, à Wierre-Effroy, il est témoin, a 28 ans et est prêtre, domicilié à Calais[1].
[1] Ibidem
ACTE DE MARIAGE D’HUBERT LECOUTRE
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L'Abbé Lecoutre est donc né dans une grande famille rurale, unie et relativement à l'aise.
Le Répertoire Cleton des Archives Diocésaines d’Arras nous apprend son cursus :
il est ordonné prêtre le 22 septembre 1855, à Arras. Avant son ordination, à 25 ans, il a reçu une formation de 14 ans. L’Institution Haffreingue, qui possède le privilège de libre exercice depuis 1822, est devenue quand l’Abbé Lecoutre y entre, la plus grande maison d’éducation du Boulonnais[1]. La formation finale au Grand Séminaire d’Arras comprenait vers 1850, deux années de philosophie puis trois années de théologie[2]. La seconde année de Philosophie était consacrée à l’étude de la Physique et des Mathématiques.
Monseigneur de La Tour d’Auvergne, évêque d’Arras de 1802 à 1851, voulait donner à l’enseignement du séminaire un niveau élevé et s’est efforcé de maintenir l’obligation du baccalauréat pour entrer en Théologie et une durée suffisante des études. De nombreuses conférences ecclésiastiques occupaient chaque semaine[3].
Comme c’est souvent le cas à l’époque, il est nommé, à la sortie du Séminaire d’Arras, vicaire,[4] à Notre-Dame de Calais pour lui.
Le 4 janvier 1862, il est nommé desservant à Agny, à côté d’Arras puis le 26 décembre 1863, à Saint-Quentin de Wirwignes, en remplacement de l’Abbé Constant Cousin.
Un indice nous est donné sur son parcours intellectuel par les cérémonies qui ont accompagné sa nomination à Wirwignes.
L’Abbé Blaquart, curé de l ‘église Saint-Pierre de Wierre-Effroy, y assiste. On peut penser que l’Abbé Blaquart eut une influence sur l’Abbé Lecoutre puisque celui-ci le convie à assister au but qu’il a atteint : être nommé près de chez lui. Dans son registre paroissial, l'Abbé Lecoutre le qualifie de "son ami".
Jean-François Blaquart était depuis 1822 prêtre à Wierre-Effroy, il a donc connu le jeune Paul Amédée Lecoutre. On peut penser que l’Abbé Blaquart, érudit, amateur d’art, a protégé et favorisé sa vocation. Lui-même avait acquis de nombreuses œuvres pour décorer son église sur ses deniers ou en échange des fonts baptismaux de l’église demandés par le Musée de Boulogne.[5]
Il est aussi l’auteur de deux ouvrages : La Vie de Sainte Godeleine, née à Wierre-Effroy en Boulonnais, tirée de l’ouvrage latin des bollandistes et d’autres documents historiques[6] et Renseignements historiques, archéologiques, statistiques sur l’église et la paroisse de Wierre-Effroy, doyenné de Marquise.[7]
Il est reconnu par ses pairs et cité par le Bulletin de la Société Académique des Antiquaires de la Morinie en 1853[8] et le Dictionnaire historique et archéologique du Pas-de-Calais [9].
L’abbé Lecoutre a suivi son exemple pour les soins apportés à l’église de Wirwignes mais aucun écrit, sinon liés à sa profession, n’a été conservé et ne peut le montrer. Il a sculpté cependant une statue de Sainte Godeleine pour l'église de Wirwignes, hommage ou souvenir.
Les exemples de prêtres bâtisseurs ne lui ont pas manqué en cette période marquée par la Révolution. Les églises avaient été désaffectées, peu entretenues ou pire, pillées, incendiées, transformées en dépôts.
Louis Marie Allais note dans son mémoire de Master d’Architecture : « répondant autant à un besoin matériel qu’à une volonté symbolique d’affirmer leur croyance et de panser les plaies de la révolution, les paroisses se sont mises à construire frénétiquement. Cette volonté symbolique de surmonter cette épreuve se retrouve dans le style architectural utilisé pour la construction de ces églises. En effet, le XIXe siècle voit l’utilisation récurrente du néo ( Byzantin, Roman, Gothique, Classique … ) afin de renouer avec des périodes fastes de la chrétienté. »[10]
Dans le Pas-de-Calais, l’évêque de La Tour d’Auvergne a réédifié une cathédrale à Arras, l’abbé Haffreingue a reconstruit Notre-Dame de Boulogne. Yves-Marie Hilaire note[11] que de nombreux jeunes prêtres ont « reconstrui(t) une église de campagne avec le concours des paroissiens » et il précise que le registre des visites de l'évêché 'Arras de 1842 et 1846 signale « la remise en état d’un grand nombre d’églises et de presbytères ».
La Révolution et la pauvreté des campagnes avaient ruiné les églises où est nommé Paul Amédée Lecoutre : l’église Notre-Dame de Calais avait été rendue au culte en 1802 après avoir été transformée en dépôt, l’église Saint-Laurent d’Agny avait été démolie pendant la Révolution et reconstruite en 1823.
Sans doute l’Abbé Lecoutre a –t-il appris beaucoup dans ses deux premiers postes.
Le compte-rendu qu’il fait de la bénediction en 1864 d’un tableau de Sainte Marguerite offert à l’église par Napoléon III nous montre qu’il connaissait des érudits locaux et avait déjà un cercle de connaissances important et bien placé dans la société ce qui a pu l’aider par la suite à trouver des donateurs pour l’église et ses travaux. Gageons qu’il s’informait aussi du monde de la culture et de la science.
[1] Yves-Marie HILAIRE, Une Chrétienté au XIXe siècle ? La vie religieuse des populations du diocèse d’Arras ( 1840-1914 ), P.U.L., 1977, page 181 : Elle compte « 202 élèves en 1842 ».
[2] Ibidem, page 178.
[3] Claude LANGLOIS, « Le temps des séminaristes. La formation cléricale en France aux XIXe et XXe siècles », Actes des séminaires organisés par l’École française de Rome et l’Università di Roma-la Sapienza ( janvier-mai 1985, Publications de l’École Française de Rome, 1988, page 250.
[4] Ibidem, page 188 : « un prêtre récemment ordonné est la plupart du temps nommé vicaire en ville ou desservant d’une paroisse rurale pourvue d'une annexe. ».
[5] Patrick WINTREBERT, Histoire d’un village du Boulonnais : Wierre Effroy, Éditions Histopale, 2010, chapitre V.
[6] Boulogne, Leroy-Mabille, 1844 ( 204 pages ).
[7] Arras, E.Lefranc, 1855 ( 136 pages ).
[8] Bulletin trimestriel de la Société Académique des Antiquaires de la Morinie, 2e année, I et II 1853, Saint-Omer, Chanvin fils, rue de l’œil, 1853.
[9] Dictionnaire Historique et archéologique du Pas-de-Calais, tome III, Sueur-Charruey, Arras, 1882, pages 219 et 220.
[10] Questionnement et réflexions autour du devenir des églises du XIXe, Mémoire de Master sous la direction de Marie-Paule Halgand, architecte D.P.L.G., Docteur en Histoire de l’Architecture E.P.H.E., École Supérieure d’Architecture de Nantes, septembre 2016, page 9.
[11] Id., page 66.
L’ÉGLISE D’AGNY AVANT 1914 ( Gallica )
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NOTRE-DAME DE CALAIS ( Wikipédia )
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L’Abbé Lecoutre raconte lui-même[1] son arrivée à Wirwignes et son installation en 1863, en parlant de lui à la troisième personne :
« Le 25 du mois de décembre 1863, Monsieur Cousin reçut sa nomination pour la cure d’Audinghem et Monsieur Lecoutre, curé d’Agny, fut choisi le même jour pour le remplacer dans cette paroisse. L’un et l’autre durent obéir malgré leur répugnance et la douleur de leurs paroissiens respectifs.
Malgré les réclamations des habitants d’Agny, leurs protestations et même leur révolte, Monsieur Lecoutre avait quitté son ancienne paroisse dès le jour même de son changement et le lendemain, fête de Saint Étienne, ils dinent en compagnie de son prédecesseur dans son nouveau presbytère et y faisant signer par son président la fabrique ses feuilles de prise de possession. Après 15 jours environ de séjour dans sa famille, il veut prendre possession solennelle de sa paroisse le 16 janvier.
Ses nouveaux paroissiens lui firent peu d’accueil, ils croyaient témoigner leur regret pour leur ancien curé, montrant peu d'empressement à recevoir le nouveau. Aussi n'eut il personne pour l'introduire au presbytère »
Il peut assez vite noter une amélioration de l'accueil des paroissiens :
« La paroisse donna peu à peu ses sympathie(s) à son nouveau curé »
Son désir de se rendre sur les traces du Christ devient réalité en 1867, il raconte :
« Vers février, Monsieur Lecoutre, curé de Wirwignes, réalisant un de ses (désirs) secret qu’il nourrissait depuis son séminaire, demanda et obtint de Monseigneur l’autorisation de quitter quelques mois sa paroisse pour faire le pèlerinage des Saints Lieux. Monsieur Fourdinier, curé de Cremarest ayant été assez dévoué pour se charger de l’administration de la paroisse pendant ces semaines et quatre professeurs de l’institution catholique de Mgr Haffreingue, Messieurs Dubout, Beaugrand, Guy et Henri Arnoult, vinrent tour à tour pendant trois mois, célébrer les saints offices les dimanches et fêtes.
Monsieur le curé put partir rassure(r) sur l’état de ses paroissiens. Il eut d’abord le bonheur de déposer ses vœux aux pieds de Notre-Dame de Fourvière et de Notre-Dame de-la-Garde. Dans ce dernier sanctuaire il distribua à huit pélerins qui devenaient ses compagnons la croix de pèlerin de Terre ( Sainte ) et reçut comme aumônier les pouvoirs de Monseigneur Place, Évêque de Marseille. Il eut le bonheur de visiter les établissements catholiques d’Alexandrie et du Caire, d’y recueillir les souvenirs de la Ste Vierge et du divin enfant. Poussé par la tempête à Beyrouth il ne put aborder que le dimanche des Rameaux à Jaffa et arriver le lundi saint dans la ville sainte. Dès le lendemain il commença les visites des sanctuaires et pendant un mois de séjour dans ces lieux sanctifiés par le passage de l’homme Dieu, il eut le bonheur de prier pour ses paroissiens et de célébrer le saint sacrifice au Calvaire, sur le Saint Sépulcre, sur l’autel de Notre-Dame-des-Sept-Douleurs, dans la chapelle de l’Invention de la Ste Croix, sur les autels de l’Apparition à Ste Marie Madeleine, à la très Ste Vierge dans la grotte de Gethsémanie, dans l’église de la Flagellation, de l’Ecce Homo, dans la grotte de Ste Anne, à Béthléem, dans la grotte de la Nativité, dans celle du Lait, à Saint-Jean-du-Désert, à Nazareth, dans la maison de la Ste Vierge, dans l’atelier de St Joseph, sur le Thabor, dans l’église de Tibériade où St Pierre reçut le pouvoir des clefs après sa triple protestation d’amour. De là il visita les échelles du Levant et les missionnaires et les religieuses établis dans tous ces lieux, à Caïffa, St Jean d’Acre, Tyr, Sidon, Beyrouth, Tripoli, Lattaquié, Rhodes, Mersina, Smyrne, Syra, s’agenouilla dans les sanctuaires de Messine, au tombeau de Ste Agathe à Catane, visita Naples et enfin vint déposer aux pieds du St Père l’hommage de sa vénération, et en obtint une bénédiction pour sa paroisse. Dans la ville éternelle il eut le bonheur de célébrer dans les tombeaux de St Pierre, de St Paul, à St-Jean-de-Latran, à Sainte-Marie-Majeure et dans la Prison Mamertine. Il revint par la montagne de la Sallette.
Parti de Wirwignes le 21 mars, il y revint le 23 juin. »
De retour, il forme son projet de restauration profonde de l’église Saint-Quentin et commence en 1869 une véritable « reconstruction » de l’église qu’il poursuivra jusqu’à sa mort en 1906. Le détail de ces travaux est décrit sur la page de l’historique de l’église auquel nous vous renvoyons pour l’appréhension de son œuvre unique et il n'est pas repris dans cette biographie.
En 1863, l’Abbé Lecoutre ne s’est pas installé au presbytère. Les différents recensements de Wirwignes[2] nous permettent de comprendre la situation de l’Abbé Lecoutre.
En 1861, étaient déjà installés à la maison n°1 du Village, Ambroise Pinte et sa famille. Il a 28 ans et est instituteur. Il a trois enfants : Clémence, Octave et Céline. A la maison n°2, on trouve l’Abbé Constant Cousin qui a 35 ans et sa servante, Augustine Berufe qui en a 50.
On trouve également François Lecoutre, 56 ans, avec sa servante, Adèle Cousteville, 45 ans, à la maison n°5. Dans le recensement de 1872, il est propriétaire et né à Bournonville ( sa servante est alors Clémence Ducrocq, 19 ans ). Jean François Ignace Lecoutre, son nom pour l’état-civil, meurt le 24 mars 1874.
Les recherches d’Alain Lecoutre, publiées sur Geneanet[3], nous renseignent sur leur parenté : ils ont pour ancêtre commun Jean La Fontaine Le Coustre, né à Baincthun en 1629. François descend de Philippe, né en 1677, un de ses fils et Paul Amédée descend de Claude, né en 1684, frère de Philippe. Quelle connaissance avaient-ils de leur parenté ?
Jean François a fait deux legs à l’église : une rente annuelle et perpétuelle de cinq francs pour une messe d’anniversaire de sa mort, un obit et une intention à chaque messe dominicale pendant vingt ans et enfin la somme de neuf francs, payée par ses héritiers chaque année. Les documents sont lisibles sur la page internet indiquée en note.
En 1872, les instituteurs sont toujours installés à la maison n°1, on apprend qu’Ambroise est né à Offin et a maintenant 40 ans.
« Claude » Lecoutre, curé, 43 ans, né à Wierre-Effroy vit dans la maison n°2 avec sa sœur Geneviève, 46 ans et leur neveu, Hubert Lecoutre, 14 ans. Louis Hubert est le fils d’Hubert Lecoutre, frère de l'Abbé.
En 1876, Paul Amédée a retrouvé son prénom Paul et vit avec sa sœur, et un de ses neveux : Louis Tellier. Il s’agit de Louis Constant Telliez, fils de sa sœur, Adèle Marie Lecoutre et de son mari Louis Paul Telliez.
En 1881, Paul Amédée et sa sœur hébergent leur nièce Rosalie Lecoutre, 12 ans. Elle est la fille de Louis Léon Justin Lecoutre de Marie Adèle Rosalie Joly.
Apparaît aussi le nom de Joseph Pécron, cordonnier, 35 ans.
En 1886, c’est Marie Gomel, 11 ans qui partage la vie de Paul Amédée et Geneviève. Marie Rose Gomel est la fille d’Alphonse Marie Joseph Gomel et de Marie Joséphine Euphrasie Leleu. Elle est née à Conteville le 30 VIII 1877.
En 1891, ce sont Marie et sa sœur Eugénie Gomel, en 1896, Marie Gomel, en 1901, Marie et les petits-neveux de Paul Amédée, Émile et Émilie Gomel, fils et fille de Pierre Louis Isidor Gomel, neveu de l’Abbé Lecoutre.
En 1906, Marie Gomel a maintenant 28 ans et semble avoir remplacé Geneviève aux côtés de l’Abbé Lecoutre. Geneviève est en effet décédée à 76 ans, le 2 janvier 1898 dans sa maison de Wirwignes.
[1] Archives Diocésaines, cote 4Z620/1, pages 30 et 31.
[2] Archives Départementales du Pas-de-Calais.
[3] https://gw.geneanet.org/lecoutrea?n=lecoutre&oc=&p=jean+francois+ignace.
ACTE DE DECES DE GENEVIÈVE LECOUTRE
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L’acte est dressé par le Maire, Ambroise Pinte qui a cédé sa place d’instituteur public et sa maison à Honoré Blacquart.
En 1896, celui-ci occupe la maison n°1 avec sa femme, ses cinq enfants et sa mère, Célestine Delory. Ambroise Pinte est recensé à la maison n°5 comme cultivateur propriétaire. Il héberge son beau-père, François Boulogne, 80 ans, rentier propriétaire.
On peut se recueillir sur la tombe d’Ambroise Pinte dans le cimetière de Wirwignes.
En 1898, l’instituteur est Félix Héduy qui déclare avec Octave Pinte, fils du maire, le décès de Geneviève Lecoutre.
Les Archives Scolaires des Archives Départementales du Pas-de-Calais[1] permettent de suivre François Charles Félix Héduy : il s’était marié en 1896 avec Adeline Dehoucke, institutrice publique, à Hermelinghen. Après Wirwignes, c’est Autingues, Douchy-lès-Ayette, Pihen-lès-Guînes, Saint-Folquin, Lebucquière, Fruges, Louches, Oye-Plage et enfin Zoteux où décède Adeline en 1905 à 40 ans.
En 1901, Wirwignes compte deux instituteurs publics : dans la maison n°6, Auguste Charles et sa femme, Jeanne Watel. Leur fille Marguerite est née à Wirwignes en 1900. Les premiers enfants, Jean et André, étant nés ailleurs, on peut penser la nomination de cette époque.
En 1906, le village a deux instituteurs publics mais aussi deux institutrices privées. Ce sont Clotilde Faille, 33 ans et Marie Goussu, 68 ans.
Marie Rose Gomel accompagne toujours son oncle, comme gouvernante sans doute
[1] Cote T 1245 /9, Dossiers des Instituteurs, 1878-1945.
L’Abbé Lecoutre consacre son temps et son attention aux siens, à ses paroissiens et à l’église mais aussi à l'école qu'il a fondée en 1895.[1]
Le 2 novembre 1906, il tombe de son échafaudage alors qu’il peint les inscriptions sur l’arc triomphal.
Il décède peu après, chez lui, à 13 heures. L’un des témoins est Joseph Pécron, son voisin.
Guy Louchez, dans les visites de l’église, racontait volontiers l’anecdote qui lui avait été confiée : l’Abbé Lecoutre avait pris pour modèle de l’Adam de la chaire son voisin Joseph Pécron[2]. Son œuvre l’a accompagnée jusqu’au bout de sa vie.
[1] Archives Diocésaines, cote 4Z620/1
[2] Éve a pour modèle une demoiselle Lecoutre de Crémarest, une cousine.
ACTE DE DÉCÈS DE L’ABBÉ LECOUTRE
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RECIT DES FUNERAILLES DE L’ABBÉ LECOUTRE
Archives Diocésaines d'Arras
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Il est enterré devant son église, devant la porte nord.
Marie Rose Gomel se marie le 2 juillet 1910 à Colembert avec Alfred Casimir Brunet.
Ils habiteront Audinghen, à côté de leur sœur, Marie Pauline Gomel et frère, Abel Brunet. Marie Rose est enterrée à Audinghen.
TOMBE DE L’ABBÉ LECOUTRE
Peu de ressources pour le curieux ( les Archives Diocésaines à Arras conservent la plus grande partie des documents ) mais un site remarquable, celui de Bruno Lecoutre qui explore sa famille :
On peut aussi consulter les notices d’Alain Lecoutre sur geneanet :